« Le PDRZA n’est pas un outil de croissance à tout prix, mais de planification »

Sept ans de travail collectif
« Le projet remonte à 2016 », rappelle Laurent Reymondin. « La Vallée de Joux a été désignée région pilote par le canton pour mettre en place ce type de planification régionale, rendue obligatoire par les lois fédérales et cantonales sur l’aménagement du territoire. Pendant plus de sept ans, les trois communes ont travaillé ensemble, en lien avec le canton et avec l’appui d’un bureau spécialisé. »
Cette démarche a conduit à une vaste consultation publique en 2023, à des ajustements, puis à l’adoption par les Conseils communaux de La Vallée. Mais au Chenit, une demande de référendum spontané en mars 2025 a ouvert la voie à un vote populaire, inédit pour ce type de document.
Anticiper plutôt que subir
Interrogé sur les chiffres de croissance (jusqu’à 3’950 emplois supplémentaires à l’horizon 2040), Laurent Reymondin relativise : « On peut se battre sur les statistiques, mais ce n’est pas l’essentiel. Un plan directeur, c’est comme une sculpture de nuage : une projection à long terme qui nous permet de préparer l’avenir sans courir derrière l’urgence. L’objectif n’est pas de promouvoir coûte que coûte le développement économique, mais de prévoir où il pourrait avoir lieu si la dynamique actuelle se poursuit. » Jusqu’ici, explique-t-il, « les grandes entreprises venaient souvent avec des projets déjà ficelés, obligeant les autorités à réagir dans l’urgence. Le PDRZA permet au contraire d’anticiper les besoins fonciers et d’éviter d’être mis devant le fait accompli. »
Le risque d’un plan cantonal imposé
Un point sensible de la campagne concerne la perte potentielle de maîtrise communale. M. Reymondin affirme : « Sans PDRZA validé, toute nouvelle extension des entreprises stratégiques pourrait être décidée via un plan d’affectation cantonal, échappant au contrôle des communes. Or, dans un secteur comme l’horlogerie, le canton serait attentif à ce que les entreprises restent à La Vallée plutôt que de partir ailleurs. Mais ce serait une perte d’autonomie pour nous. »
La mobilité, un défi incontournable
La croissance économique de La Vallée ne va pas sans poser la question des déplacements. « La mobilité est un sujet central », reconnaît Laurent Reymondin. « Le PDRZA intègre un plan d’action régional pour limiter l’impact du trafic routier : amélioration de la ligne ferroviaire Lausanne–Le Brassus, encouragement du covoiturage, création de parkings d’échanges, ou encore plans de mobilité obligatoires pour les entreprises de plus de 200 emplois. »
L’enjeu est de taille : avec déjà plus d’emplois que d’habitants, la Vallée de Joux voit chaque jour des milliers de travailleurs frontaliers et pendulaires franchir ses routes. « Si nous ne faisons rien, le trafic deviendra invivable pour les habitants. Le PDRZA n’est pas une baguette magique, mais il permet de coordonner les efforts entre communes, canton et entreprises pour anticiper ces flux. »
Des critères de densité et un organe de gestion
Un autre sujet de débat concerne l’accès aux terrains pour les PME locales. Le directeur de l’ADAEV précise : « Chaque zone est assortie d’objectifs. Ces critères orientent les implantations, mais ils ne sont pas rigides. Un organe de gestion sera mis en place avec des représentants du canton, des communes et de l’économie. Sa mission : accompagner les projets, trouver des compromis, éviter le gaspillage de surface. » En clair, une petite entreprise innovante ou un artisan pourra trouver sa place, même si ses perspectives de croissance sont plus modestes que celles d’un grand groupe.
Pas de croissance exogène recherchée
Laurent Reymondin insiste beaucoup sur un point : « Nous ne faisons pas de promotion économique exogène. Ceux qui viennent s’installer sont des entreprises déjà implantées dans La Vallée qui souhaitent s’étendre. Nous ne cherchons pas à attirer artificiellement de nouvelles sociétés. L’économie locale est déjà forte, et il est essentiel qu’elle le reste. » Il rappelle que les deux tiers des recettes communales proviennent des impôts des entreprises et des frontaliers : « Le centre sportif de La Vallée, par exemple, a été financé en grande partie par ces revenus. Il est donc crucial de maintenir ce tissu économique, mais sans objectif de croissance démesurée. »
Conclusion
Pour Laurent Reymondin, le PDRZA est un outil de prévision et de cohérence : « Il s’agit de garder la main sur notre développement économique, de garantir des emplois tout en maîtrisant l’urbanisation et la mobilité. Le vrai enjeu, c’est de savoir si nous voulons décider ici, à La Vallée, ou laisser le canton trancher à notre place. »
Un message clair, qui sera mis à l’épreuve des urnes le 28 septembre.
Laurent Reymondin /
Interview de Florent Romanet
florent@lafeuille.ch