
La Vallée fait face à une équation complexe : comment loger potentiellement 2700 nouveaux habitants d’ici 2040 alors que le marché immobilier est déjà sous tension ? On a vraiment un déficit de logements à la Vallée de Joux, c’est un constat validé par tout le monde », confirme Laurent Reymondin, directeur de l’ADAEV. Avec un taux de logements vacants « extrêmement faible », inférieur à 1%, la région voit ses nouveaux appartements « pris très rapidement ». Cette situation s’inscrit dans le contexte du Plan directeur régional des zones d’activités (PDRZA), actuellement en votation au Chenit, qui projette jusqu’à 4000 emplois supplémentaires à l’horizon 2040.
Les projections des communes restent toutefois mesurées. Carole Dubois, vice-syndique du Chenit, détaille les calculs : « On estime qu’il y a 30% de ces 4000 employés qui pourraient vouloir loger sur place, ici à La Vallée. » Cela représente « un potentiel de 2760 nouveaux habitants en tenant compte de la moyenne actuelle cantonale de 2.3 habitants par ménage » pour lesquels les trois communes prévoient « environ 3400 habitants cumulés en plus » dans leurs plans d’affectation communaux. Mais ces projets se heurtent aussi aux contraintes cantonales. « Avec la nouvelle loi sur l’aménagement du territoire (LAT), il y a beaucoup de contraintes qui sont mises sur les régions dites périphériques », explique Laurent Reymondin, soulignant que « les communes sont en train de batailler – et ce depuis une décennie – pour pouvoir définir des Plans Directeurs Communaux ».
Les prix de l’immobilier reflètent cette tension du marché. « On constate quand même clairement une hausse des loyers », observe l’Agence Berthoud, précisant que « les prix ne sont pas comparables » entre les logements anciens et les nouvelles constructions. Laurent Reymondin analyse cette évolution : « On avait des prix immobiliers relativement bas ces dernières années, jusqu’à il y a 10 ans. Ce qui fait que les investisseurs ont longtemps boudé la Vallée de Joux faute de rentabilité. » Aujourd’hui, la donne a changé : « Maintenant que les loyers et les prix montent, et que trouver du terrain sur l’Arc lémanique relève parfois de l’exploit, on voit quelques investisseurs qui commencent à s’intéresser à la Vallée de Joux. »
Face à ces défis, les communes misent sur la densification du bâti existant. Christophe Bifrare, syndic de L’Abbaye, est pragmatique : « C’est vrai que celui qui avait rêvé de sa villa en propriétaire solo, d’ici 5 ans ce ne sera plus possible. » Il évoque un changement de paradigme inévitable : « Le profil immobilier de la Vallée de Joux va clairement changer au cours des prochaines décennies. Qu’on le veuille ou non, qu’on soit d’accord ou pas. » L’Agence Berthoud confirme cette tendance : « Les grandes habitations combières bien connues sont maintenant subdivisées. Jadis la propriété d’une grande famille, on assiste aujourd’hui à sa subdivision locative. »
Au-delà des chiffres et des projections, c’est tout un mode de vie qui est en mutation. « Il y a encore un bon potentiel en termes de rénovation dans les anciens bâtiments », note Christophe Bifrare, rappelant que « nos grands-parents vivaient avec dix enfants dans 200 m². Ensuite chacun voulait ses 200 m². Aujourd’hui c’est en train de revenir en arrière. » Cette densification et cette concentration de l’habitat annoncée soulève logiquement des inquiétudes, notamment sur la mobilité, un autre dossier bien dense présent sur tous les bureaux. Pour Carole Dubois, cette concentration de l’habitat présente aussi des avantages : « Ce regroupement vers les centres préserve tout le territoire qui est autour. C’est aussi intéressant par rapport aux services, aux magasins, aux restaurants, sans compter la proximité pour le raccordement aux infrastructures en place comme l’électricité, l’eau et les réseaux. » Un équilibre délicat qui repose effectivement sur une équation complexe pour une Vallée en pleine transformation.

