Dès le départ, Jacques Dubochet a précisé que sa compétence scientifique n’était pas l’enjeu de sa conférence, présentée au Sentier le 11 mars dernier. Ceci dit, le Nobel confère à son porteur une audience considérable et pour les lauréats des disciplines scientifiques, cette notoriété est souvent une nouveauté, car la recherche scientifique est le plus souvent une activité collective relativement anonyme. Jacques Dubochet a choisi d’investir sa notoriété dans l’engagement pour le climat, un choix qui s’inscrit dans ses réflexions sur le rôle des aînés dans l’avenir du monde.
Dans un passé pas si lointain, la succession des générations était marquée par certaines constantes. Il y avait des dynasties de métiers, une transmission relativement stable des idéologies, des parcours de vie, et des attentes de chacun vis-à-vis de l’existence. Entre-temps, il y a eu les bouleversements amenés par le progrès technologique, par la nouvelle prospérité des « Trente glorieuses », par les nouveaux moyens de communication et par l’essor de ce que notre conférencier appelle le système techno-financier. Tout cela a creusé les différences entre générations quant à leur mode de vie et à leurs aspirations. La part d’inédit dans les défis auxquels nos sociétés sont confrontées a beaucoup augmenté et parmi ces défis nouveaux, le changement climatique est celui qui pèse le plus lourdement sur les générations futures. D’ailleurs, celles-ci nous le font énergiquement savoir et Jacques Dubochet est très sensible à cette révolte d’une jeunesse qui se sent héritière malgré elle d’une situation créée par les choix souvent irréfléchis des générations précédentes. Son engagement s’inscrit donc dans la responsabilité citoyenne des aînés, entre autres au sein de l’association Grands-parents pour le climat. Mais alors, face à l’urgence climatique, quelles sont les attentes de la société vis-à-vis des aînés et quelles initiatives les seniors souhaitent-ils prendre ?
Pour Jacques Dubochet, la situation des seniors dans notre pays est marquée par certaines ambiguïtés. D’un côté, beaucoup d’entre eux se sentent « hors-jeu » par rapport à certaines innovations technologiques. On pense par exemple à l’informatique, dont l’usage devient plus ou moins obligatoire, sous peine d’être mis en difficulté dans l’accès à l’administration et à toutes sortes de services publics. En outre, pour une partie de la population âgée, les problèmes de santé et la précarité économique pèsent sur le quotidien. Pourtant, en moyenne, les aînés vont plutôt bien en Suisse. Ils sont nombreux à participer activement à la vie sociale et ont le désir de s’impliquer dans la recherche de solutions. Sans proposer de recettes toutes faites, Jacques Dubochet invoque un aspect qui a marqué tout son parcours de vie, à savoir le besoin de comprendre le monde. Il nous appelle tous à faire confiance à notre intelligence et à l’appliquer au problème majeur de notre temps.
Connaissance 3