L’Ensemble choral Val d’Orbe offre un concert baroque de haute tenue

Pour la première fois exécutée à La Vallée, la Messe luthérienne de Bach emplit la voûte du temple du Sentier. Et, en deuxième partie, l’œuvre de musique sacrée la plus célèbre de Vivaldi, le Gloria.

Dans ce monde qui perd la raison ; dans cette Suisse en quête – ou perte ? – d’identité; dans cette « Vallédjoux » (ça se prononce, hélas, comme ça aujourd’hui !) en mutation, est-il encore possible de trouver quelques instants de bonheur, quelques instants d’abandon, quelques instants de sérénité ? Certes. Un moment suspendu dans le temps, un moment de félicité que nous ont offert l’Ensemble choral Val d’Orbe, l’Ensemble Fratres (acteur majeur de la scène baroque et classique en Suisse romande) et Daniel Meylan, chef de chœur et d’orchestre ce samedi 15 novembre, au temple du Sentier. Une fois de plus, cet intrépide et insatiable musicien a placé haut la barre et s’est lancé dans l’étude et l’interprétation de deux œuvres sacrées : la Messe luthérienne BWV233 de J.-S. Bach (dite aussi Missa brevis en fa majeur, composée vers 1738 à Leipzig où Bach était cantor à l’église Saint-Thomas), qui ne contient que le Kyrie et le Gloria ; et le Gloria de Vivaldi (RV 589), l’une des œuvres sacrées les plus célèbres du baroque vénitien qui se distingue par son éclat jubilatoire, son écriture concertante et sa richesse mélodique.

Interprétée pour la première fois à La Vallée, cette messe de Bach n’est que très rarement chantée de par le monde. Et pour La Vallée, c’est une première. À cet effet, on peut lire une certaine anxiété sur les visages des choristes au « lever du rideau ». À l’attaque du Kyrie eleison (Seigneur, prends pitié), le temple vibre, les choristes libèrent leur tension, laissent leurs cordes vocales s’exprimer dans une extrême attention et restituent la solennité et le recueillement que dépeint ce verset. Avec intelligence, Daniel Meylan maîtrise la complexité et le style fugué de cet air grave et en insuffle cette atmosphère tant aux chanteurs qu’à l’orchestre qui souligne plus encore les couleurs baroques.

Exercice vocal de haut vol

Autre ambiance avec le Gloria in excelsis Deo (Gloire à Dieu au plus haut des cieux), la deuxième partie de cette messe (donné en bis). Pièce jubilatoire et lumineuse, elle présente toutefois des difficultés majeures dues au rythme vif et au style festif, plus encore aux vocalises : sur les 171 mesures de cet exercice vocal de haut vol, seulement une quarantaine n’en comporte pas. Ose-t-on imaginer la prouesse ainsi réalisée par des amateurs – sous la baguette experte d’un directeur subtil et ferme autant qu’exigeant et délicat ? Toujours est-il que le chœur s’en sort avec tous les honneurs, surmontant vaillamment ces pièges mélodiques qui ont « rongé » le directeur tout au long de la saison jusqu’au concert. Le Cum Sancto Spiritu, une fugue jubilatoire où les voix féminines donnent tout l’éclat à ce dernier verset qui clôt cette Messe luthérienne. Daniel Meylan de confier : « Courant juin, j’ai même eu des doutes quant au choix de cette œuvre, tant elle est complexe avec ses vocalises tout au long du Gloria. Je me suis rendu compte qu’elle allait demander un énorme travail, aussi bien du chœur, des solistes (ndlr : Mélanie Gavand, soprano ; Zoé Vaucousant-Massicotte, alto ; Nestor Pintado, basse) et de l’orchestre. Et j’avoue que la nuit précédant le concert a été longue… je n’ai pratiquement pas fermé l’œil… tout se bousculait dans ma tête. Finalement j’ai fait confiance à mes chanteurs qui m’ont accordé la leur. Et ce soir concrétise l’engagement extraordinaire de tous ». Un engagement entendu par un public conquis par cette première combière et qui répond tant à cette œuvre difficile qu’à sa remarquable interprétation par des applaudissements nourris. Pour preuve, le Gloria in excelsis Deo donné en bis sera salué de belle manière aussi.

Le Gloria du prêtre roux

En deuxième partie du concert, une des références du répertoire sacré baroque, le Gloria de Vivaldi. Composé au début des années 1700, cette œuvre concertante n’est plus à présenter. Dès l’introduction orchestrale, on est « dans le bain ». Vivacité, luxuriance polyphonique, caractère festif parfois proche de l’opéra baroque vénitien, jubilation et profondeur spirituelle, gagnent d’emblée la sympathie du public. Et Daniel Meylan, maître ès-baroque, insuffle à ses interprètes toute l’essence de l’œuvre sacrée la plus aboutie du prêtre roux, Cela se voit, cela s’entend. Les choristes y vont « à gorge déployée » tant leur plaisir de chanter est intense, emmenés par la fraîcheur italienne et la fantaisie vénitienne du XVIIIe siècle. La salve d’applaudissements témoigne de cet enthousiasme et de cette brillante interprétation. 

Jean-François Aubert

NB : Ce même concert aura lieu le 30 novembre à Nyon

Laisser un commentaire