Glaciers et populations de montagne : des archives du passé aux questions du futur

Le recul des glaciers est une des manifestations les plus évidentes du réchauffement climatique. Il y a là un enjeu scientifique et politique qui concerne la planète entière. Pourtant, l’avenir des glaciers est aussi une question identitaire pour la Suisse, pays alpin, situé au centre du continent européen et soumis à un réchauffement particulièrement rapide.

Pour comprendre ces phénomènes, Connaissance 3 – Vallée de Joux a invité le 10 novembre un spécialiste reconnu dans l’étude des glaciers. Après des études de physique, Amédée Zryd a obtenu un doctorat en glaciologie à l’École polytechnique fédérale de Zurich. Il a poursuivi ses recherches dans ce domaine pendant des séjours postdoctoraux avant de se tourner vers l’industrie, tout en gardant une importante activité en sciences naturelles et glaciologie.

Comprendre le changement climatique implique de se tourner vers le passé et cela à différentes échelles de temps, allant de l’âge de la Terre – qui se mesure en milliards d’années – jusqu’à l’âge de l’humanité, aux époques historiques, et enfin au temps court – des décennies – où les changements sont perceptibles par les individus. Or les variations climatiques existent à toutes ces temporalités. C’est cette complexité temporelle qui crée beaucoup de malendendus, mais qu’Amédée Zryd analyse avec une grande clarté.

Le dernier million d’années est la période sur laquelle nous sommes le mieux renseignés.
La chronologie est aujourd’hui très bien connue, grâce aux progrès des méthodes de recherche comme par exemple les forages profonds dans la calotte glaciaire antarctique. Naguère ces variations avaient des causes entièrement naturelles, étroitement liées à la concentration du gaz carbonique dans l’atmosphère. Ces changements naturels continuent mais il s’y ajoute désormais les effets du réchauffement causé par les activités humaines et l’augmentation rapide des gaz à effet de serre. La situation change dès le milieu du 19e siècle, à la fin de ce qu’on appelle le petit âge glaciaire. Le présentateur a rassemblé une abondante documentation centrée sur le glacier du Rhône, en y intégrant les relations entre glaciers et populations de montagne directement affectées. Désormais, les glaciers alpins reculent de plus en plus vite et c’est une des manifestations du réchauffement. C’est là notre histoire glaciaire et c’est elle que nous avons à gérer le mieux possible, sans minimiser les problèmes ni céder au catastrophisme.

Amédée Zryd présente quelques-uns des défis posés par le recul des glaciers. L’un d’entre eux est la disponibilité de l’eau. Avec le calendrier des précipitations qui change lui aussi, les arbitrages entre les divers usages de cette ressource seront plus difficiles : énergie hydroélectrique, agriculture, tourisme et sports, consommation d’eau potable. Il y a aussi la gestion de risques naturels accrus comme les chutes de pierres, les laves torrentielles, l’effondrement de glaciers suspendus. Des écosystèmes nouveaux apparaîtront dans les territoires devenus libres de glace, avec leurs propres défis de gestion. Ces enjeux n’appartiennent pas à un futur lointain, mais sont bel et bien d’aujourd’hui. La dernière vidéo de la présentation montre l’agonie terrifiante d’un glacier d’Asie centrale, qui vient s’effondrer dans la plaine en aval. Cependant, la conférence d’Amédée Zryd nous montre qu’on peut agir pour influencer le futur et que les compétences scientifiques et techniques ne manquent pas. Ni, on l’espère, la volonté politique.

Pour en savoir plus : On trouve sur le site https://zryd.ch les références des livres d’Amédée Zryd, accessibles à un large public, ainsi que ses activités de médiation scientifique. Parmi celles-ci, il y a les expositions et autres initiatives logées à l’enseigne de la Fondation « La Maison des Alpes » à Évolène.

Connaissance 3

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