Le 7 octobre 2023, le peuple israélien subissait une attaque d’une violence et d’une barbarie indicibles. À cette tragédie, l’État israélien a répondu par un déchaînement de feu et de sang dénué de toute humanité qu’on imaginait impossible au 21e siècle. À ce propos nous tenons à remercier M. Grognuz pour sa chronique « Gaza où le droit humanitaire est bafoué » dans la Feuille du 25 septembre qui résume très bien les événements et enjeux de ce conflit complexe aux origines multiples et sujets à une communication partisane et souvent mensongère de la part des deux autorités.
Face à cette déshumanisation du conflit et de l’impuissance des gouvernements, plusieurs centaines de citoyens du monde, dont notre fils Jérémy, se sont engagés avec la flottille « Global Sumud Flotilla » pour tenter de briser le blocus humanitaire imposé par le gouvernement israélien et apporter une aide dérisoire, mais symbolique à la population de Gaza. Parmi eux, une vingtaine de Suisses qui ont laissé leur famille, leurs proches et leur travail pour apporter un peu d’humanité et d’espoir dans une région qui ne rencontre que destruction et mépris. Au vu de la détermination du gouvernement d’Israël à faire fi des droits humains pour mener à terme ce qui a été justement qualifié de génocide, on pouvait dès le départ imaginer que cela se solderait par une interpellation et des arrestations. Malheureusement, ce scénario s’est bel et bien produit. Cette action avait aussi pour but d’inciter les États à agir enfin. On connaît l’indifférence de l’occident face aux conflits lointains, mais la flottille imaginait que leurs gouvernements se mobiliseraient au moins pour soutenir et protéger leurs ressortissants. Finalement, la réaction est venue des citoyens de tous les continents qui se sont mobilisés par milliers. Certains gouvernements se sont décidés à prendre des positions à peine plus fermes.
Et la Suisse, notre chère Suisse, qu’a-t-elle fait et que fait-elle ? On connaît bien le discours de notre ministre du DFAE, Ignazio Cassis, qui reprend bien sagement les propos de ses amis d’Israël (il était vice-président du groupe d’amitié Suisse-Israël, lié à l’Association Suisse-Israël, chargée de représenter les positions israéliennes dans les domaines de la politique, de l’économie, de la société et de la culture) en mentionnant le « droit de se défendre » ou en vantant les bons offices et la position neutre que notre pays doit adopter s’il veut jouer un rôle dans les négociations de paix. On connaît moins le mépris avec lequel le DFAE a considéré la flottille en lui signifiant dès le départ qu’il est déconseillé d’aller dans cette zone dangereuse et que le département n’entreprendra rien pour soutenir leur action. Tout au plus, à l’approche de la « ligne rouge », il a demandé sur X aux autorités israéliennes de « respecter les principes de proportionnalité et de nécessité lors de leur intervention et d’assurer la sécurité des participants ». Or, il le savait, l’arraisonnement et leur arrestation en eaux internationales sont totalement illégaux. Ainsi, il donne l’autorisation explicite aux autorités israéliennes d’agir au mépris du droit international.
Lors de leur arrestation dans la nuit de mercredi à jeudi, les membres de la flottille ont été traités comme des terroristes, l’armée et les autorités leur faisant subir des traitements indignes, des humiliations, des maltraitances physiques et psychologiques durant leurs premiers jours de captivité. Obligation de rester à genoux, la tête baissée durant cinq heures, les gifles, la privation d’eau, de nourriture et de sommeil. La mise en scène et le discours hallucinants du ministre Ben-Gvir témoignent de la déshumanisation des soldats et des autorités. On n’ose pas imaginer le sort réservé aux prisonniers palestiniens qui sont privés de tout droit. Et quelle image la Suisse donne-t-elle quand elle n’envoie que le vice-consul pour accueillir les membres libérés de la prison de Ktzi’ot et leur proposer un prêt de 40.- alors que la Turquie aura offert l’hôtel, le repas et le billet d’avion pour leur rapatriement en Suisse dimanche ? Le DFAE ne fait pas mieux en matière d’agissement et de communication en se justifiant « qu’ils font au mieux et qu’ils les avaient prévenus ». Aucune condamnation n’émane des autorités du pays dépositaire de la convention des droits de l’homme pour le non-respect du droit international (arrestations illégales), le non-respect du droit international humanitaire (droit à une représentation juridique, un contact avec un proche, des conditions de détention, etc.).
Heureusement, à l’heure où vous lirez ces lignes, l’ensemble des participants suisses et la majorité des étrangers devraient être libérés. Mais, cette action nous conduit à quelques considérations :
– Comment des citoyen·ne·s peuvent-ils élire à la tête de tant de pays des hommes (au sens masculin) violents, dénués de toute humanité, de toute empathie, guidés par une soif aveugle du pouvoir et de la domination ?
– Comment arrive-t-on à assister au 21e siècle à autant de barbarie, de sauvagerie, alors qu’on disait au siècle passé « plus jamais ça » ?
– Comment un état de droit comme la Suisse (et d’autres) peut-il montrer autant de complaisance et ainsi se rendre complice d’un génocide ?
– Mais surtout, comment faire pour réinsuffler un peu d’humanité dans ce monde qui se polarise et se divise ?
Les manifestations populaires de ces derniers jours nous donnent l’espoir que tout n’est pas perdu.
Et, au fond, à notre échelle, chacun·e peut contribuer en transmettant des valeurs de solidarité, d’ouverture et de tolérance à nos enfants par une éducation respectueuse et congruente. Nous avons le devoir de les aider à développer un esprit critique face à l’information transmise sur les réseaux sociaux et ne pas se laisser happer par les algorithmes qui renforcent le biais de confirmation tant exploité par des États voyous comme la Russie. Ceci afin de leur donner des clés pour construire un monde meilleur où tout être humain aura le droit de vivre en paix.
On doit toujours espérer.
Jérémy, nous sommes fiers de toi.
Clarisse et Alain Chevalley