Promotion économique ou promotion de la vie ?

À la veille d’une votation décisive, la Vallée de Joux apparaît comme le dernier espace du canton à conquérir par les promoteurs industriels et immobiliers. Comme un horizon ultime qui fascine les politiciens rêvant d’extension économique sans fin.

Toutefois, ce projet de conquête oublie un fait essentiel : les jeux sont déjà faits, la cause est entendue. Notre destin est déterminé par une force infiniment plus grande que l’appât du gain ou l’esprit d’entreprise, une force née dans notre passé et qui engendre notre avenir, une force dont le nom est « crise environnementale ». Le futur de La Vallée n’est pas dans la construction, dans la promotion immobilière. Le futur de La Vallée est à construire en tenant compte de la crise environnementale et en pariant sur la séculaire créativité de Combiers dont la force est d’avoir toujours su tirer le meilleur parti de conditions climatiques difficiles. La grande beauté produite par l’industrie horlogère qui habite cette Vallée en est le fruit et le témoin.

Les Combiers connaissent intimement la crise environnementale. Ils voient passer les hélicoptères qui amènent de l’eau dans les pâturages, en été. Ils connaissent le souci des paysans qui prennent soin de ces pâturages depuis des décennies. Ils voient la forêt du Risoud se dessécher. Ils s’inquiètent que la plus grande forêt d’une seul tenant de Suisse puisse un jour devenir le plus grand incendie d’un seul tenant de Suisse. Comme au Canada. J’ai même entendu un Combier dire que la Suisse ferait mieux d’acheter des Canadair plutôt que des F35 !

Quelle hypocrisie, par conséquent, que l’Association pour le Développement des Activités Économiques de la Vallée de Joux (ADAEV), qui pousse à accepter dans les urnes le Plan Directeur Régional des Zones d’Activités, adopte un logo vert pour promouvoir ses articles dans La Feuille ! 

Selon Météo Suisse, selon le GIEC, sans décroissance économique déterminée et immédiate, la crise environnementale inscrit irrémédiablement la biosphère (la nature) sur une trajectoire de réchauffement climatique de trois à cinq degrés en 2100. Demain, donc ! 

Ce n’est donc pas l’avis de l’ADAEV qu’il faut entendre. Ce sont les constats et les actions de l’association de Protection des Eaux de la Haute-Vallée de l’Orbe (PEHVO) qu’il faut considérer. Ce sont les prévisions de Météo Suisse qu’il faut écouter. C’est à la géographie particulière du Jura qu’il faut penser avant de déposer un bulletin dans l’urne de cette prochaine votation décisive. Météo Suisse annonce, certes, que les pluies pourraient augmenter en hiver mais que les étés seront plus secs, les canicules plus longues et intenses. La géographie nous dit que le Jura est un merveilleux capteur de nuages et de pluie, mais que son calcaire ne conserve pas l’eau qu’il reçoit. Et qu’il recevra de moins en moins. Au contraire, il l’absorbe et la restitue à ses pieds, au Gros de Vaud et à la Franche-Comté. 

Par conséquent, pourquoi construire sans modération ? Votons pour la créativité, pour l’eau et pour la vie.

Luc Magnenat

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