Ciné-Doc : « Les Nouvelles èves »

Dès le 30 novembre et pour clôturer 2021, année qui célèbre les 50 ans du droit de vote des femmes en Suisse, Firsthandfilms et Ciné-Doc vous présentent LES NOUVELLES ÈVES. Camille Budin, Annie Gisler, Jela Hasler, Thais Odermatt, Wendy Pillonel et Anna Thommen, les réalisatrices du film, nous emmènent aux côtés d’héroïnes du quotidien qui façonnent leur vie avec détermination, intuition et force. Portées par le courage, la joie de vivre et l’écho du mouvement des femmes, elles changent pas à pas notre société. Des portraits authentiques et un sujet sur l’égalité au cœur de l’actualité.

Par leur approche fine et lucide, les réalisatrices invitent le public à réfléchir sur le concept de «féminité» en tant que construction sociale, lançant un regard sur le patriarcat. Ce documentaire collectif et militant suisse s’inscrit dans le mouvement contre les stéréotypes de genre, avec un regard palpitant et instructif.

LES NOUVELLES ÈVES de Camille Budin, Annie Gisler, Jela Hasler, Thais Odermatt, Wendy Pillonel et Anna Thommen

Suisse, 2021, 83’, VOSTFR, 12/16 ANS

Résumé: Valeria Kepner, 64 ans, retraitée de Lugano, jongle avec sa maigre retraite et tombe à nouveau amoureuse. Naima Cuica, 44 ans, de Basel et originaire de Venezuela, travaille dans une cafétéria et se bat pour devenir infirmière. A Lausanne, Sophie Swaton, une professeure de
42 ans concilie sa carrière et l’éducation de ses trois enfants. A Zurich, la chanteuse d’opéra Sela Bieri se heurte aux stéréotypes de genre dans son milieu professionnel pendant que son partenaire s’occupe de leur foyer de quatre personnes. A Genève, Delphine Rozmuski, une étudiante de 18 ans, s’autorise à explorer sa sexualité non-binaire. A Bolligen, Cosima Scheck, une écolière, découvre les stéréotypes de genre et les remet en question.

Quelle est la réalité de la vie des femmes en Suisse aujourd’hui? Un collectif de réalisatrices, productrices et camerawomen de renommée répond à cette question en suivant six protagonistes dans leur vie quotidienne.

Dimanche 12 décembre à 10h30
au Cinéma La Bobine

En présence de Camille Budin,
co-réalisatrice

Paroles de réalisatrices

Le 14 juin 2019, dans toute la Suisse s’est déroulée une nouvelle grève historique. Cela a été le point de départ de notre film «Les Nouvelles èves». En préparation de cet événement, les productrices Judith Lichtneckert et Liliane Ott ont réuni un groupe de six réalisatrices suisses pour répondre à la question suivante: pourquoi devrions-nous encore, en 2019, manifester pour ce droit fondamental qu’est l’égalité entre les hommes et les femmes?

L’idée d’un projet de film documentaire dans lequel chacune des réalisatrices rencontrerait une femme s’est rapidement concrétisée. Le désir commun était de donner à voir le monde féminin invisible qui fait la Suisse; des femmes comme nous, comme nos mères, comme nos grands-mères, comme nos filles, comme nos sœurs.

Chacune d’entre nous est donc partie à la recherche de sa protagoniste: petite fille, femme d’âge mûr, migrante à la recherche d’un emploi, retraitée célibataire, femme de carrière et mère des trois enfants, chanteuse d’opéra classique et jeune femme au sortir de l’adolescence.

Nous voulions tourner le film dans le style du «cinéma direct»; nous voulions filmer ces femmes au cœur de leur vie quotidienne, sans interview, sans commentaire. Il y avait un désir commun de simplicité, d’offrir un regard aussi précis que possible, sans fioritures ni jugements, et d’instaurer un climat de confiance.

Le défi du film était de trouver comment réunir autant de «personnages» dans une même histoire sans suivre une narration préétablie avec un début et une fin, sans scénario pour nous guider, et en ne se confiant qu’à la réalité?

Puis, il y a eu ce moment où ces femmes se sont retrouvées en état d’urgence et ne pouvaient plus attendre. La pandémie venait d’éclater lorsque nous avons commencé à tourner; nous avons donc dû intégrer cet aspect à l’expérience. Finalement, cela nous a permis d’ancrer notre film dans l’instant présent et de faire face à la crise.

Durant le montage, il a été fascinant d’observer que le groupe de femmes choisies nous offrait irrémédiablement une vision féminine du monde, où chacune détient des valeurs très concrètes et peu reconnues dans notre société: la bienveillance, l’écoute, l’intuition et la relation aux autres; avec force et détermination.

C’est précisément dans ces valeurs que réside le message le plus fort du film: il est temps de les intégrer pleinement dans notre société.

Interview avec les réalisatrices

Quelle est l’origine du film?

Anna Thommen: Judith Lichtneckert m’a demandé si je voulais participer à un projet de film collectif sur le thème de l’égalité des femmes. L’idée de créer quelque chose entre femmes m’a immédiatement convaincue et motivée.

Camille Budin: La grande grève des femmes du 14 juin 2019 en Suisse.

Annie Gisler: En janvier 2019, j’ai été contactée par les productrices Judith Lichtneckert et Lily Ott, elles voulaient faire un film sur la grève des femmes qui allait se dérouler en juin. J’étais très intéressée par cet événement historique et j’ai immédiatement dit oui à ce projet de film. Petit à petit, un groupe de six réalisateurs s’est formé et ensemble nous avons écrit le film, qui a rapidement été au-delà de l’idée de suivre la grève des femmes pour plonger dans la vie de nos compatriotes. La chance de ce projet très spécial est que nous avons gagné le concours
«CH DOK» de Migros Kulturprozent, ce qui nous a permis de tourner le film très rapidement.

Thais Odermatt: L’origine du film est un message électronique de Judith Lichtneckert intitulé «Projet sur la grève des femmes» avec une invitation à se rencontrer aux Journées de Soleure pour parler d’un éventuel projet collectif de film de femmes autour de la grève des femmes de 2019. J’étais curieuse et j’ai répondu à l’appel.

Wendy Pillonel: Les productrices Judith Lichtneckert et Liliane Ott avaient à l’origine l’idée de réaliser un film sur la grève des femmes de 2019. Elles voulaient travailler avec un collectif de femmes et ont approché plusieurs réalisatrices pour en faire partie. J’étais très excitée par le projet.

Que voulez-vous raconter avec cette histoire?

AT: Nous voulons raconter la vie quotidienne des femmes en Suisse, comment et où elles doivent faire face à des injustices dans les petites choses du quotidien. Nous ne parlons pas de grandes actions individuelles et héroïques, mais plutôt d’une vie très normale ici et maintenant, des obstacles que cette vie nous réserve, à nous les femmes. Les femmes choisies ne sont pas passives, elles se battent pour ce qu’elles aiment et elles se battent pour être appréciées et respectées.

CB: Il ne s’agissait pas de raconter une seule histoire, mais plusieurs et d’entrer dans la vie de différentes femmes, de les observer et de les écouter.

AG: Ce qui m’a intéressée, c’est la question suivante: «Pourquoi diable les femmes de Suisse, un pays où tout semble aller si bien, descendent-elles en masse dans la rue pour mener une grève féministe?». Nous avons choisi de ne pas nous concentrer sur les figures féminines les plus engagées ni les plus héroïques, mais de plonger dans la vie de nos compatriotes pour mieux comprendre les obstacles qui se dressent encore sur leur chemin et pour suivre leurs aspirations, leurs rêves et leur propre façon de dépasser ces obstacles. En choisissant de réaliser un film collectif suivant une série de protagonistes très différentes, nous racontons des moments de la vie quotidienne des femmes en Suisse. En entremêlant ces portraits, davantage qu’un destin individuel, c’est une vue d’ensemble des inégalités entre les sexes qui existent encore dans notre pays qui se dessine.

Jela Hasler: Lors de la Grève des femmes 2019, en pleine frénésie, une amie m’a glissé une phrase amusante: «Je ne savais pas qu’il y avait autant de femmes en Suisse!». Bien sûr qu’elle ne le pensait pas vraiment, bien sûr qu’elle savait qu’il y en avait. Mais par son exclamation spontanée, elle a exprimé une réalité: où ces femmes passent-elles leur temps? En Suisse, il existe toujours un fossé entre la sphère publique «masculine» et la sphère privée «féminine». Pas besoin d’expliquer laquelle est la plus visible. En ce sens, Les Nouvelles Èves permet de rendre visibles des femmes, leurs luttes et préoccupations quotidiennes, leurs espoirs. Pour moi, c’est un film qui doit être montré: Nous, les femmes, sommes prêtes pour une société égalitaire.

TO: Rendre visible le fait d’«être une femme» en Suisse par le biais d’une grande variété de femmes.

WP: Avec mon épisode, je voulais me concentrer sur une femme qui a des difficultés à joindre les deux bouts en vivant avec une petite retraite. C’est malheureusement une triste réalité en Suisse: les femmes qui ont réduit leur charge de travail pour s’occuper des enfants ont moins cotisé et reçoivent une pension trop faible pour se débrouiller seules après la retraite.

Quel a été le point fort pour vous?

AT: Le point culminant de ce travail collectif a été lorsque nous avons regardé le montage final au cinéma et que tout le monde est tombé d’accord pour la première fois, sans aucun doute. La certitude d’avoir accompli le film a déclenché un sentiment de bonheur.

CB: Pour moi, ce fut la rencontre avec ma protagoniste Sophie, qui est devenue une amie et avec laquelle j’aimerais travailler sur d’autres projets à l’avenir.

AG: Le point fort et la plus grande difficulté de ce film est de travailler en tant que collectif. Il faut combiner les sensibilités et les façons de travailler de chacune pour faire un film cohérent qui tient la route et qui a son propre style. Cela a également été rendu possible par le fait de travailler avec la même directrice de la photographie, Gabriela Bertschart. Il était enrichissant de rencontrer d’autres réalisatrices dont j’apprécie le travail, de parler du projet et d’approfondir des questions féministes et artistiques. Ce fut un grand effort commun qui a abouti à notre film Les Nouvelles Èves. Une collaboration artistique qui a débouché sur une amitié plus profonde.

JH: Le tournage des scènes de l’opéra au théâtre Rigiblick. C’était un grand plaisir de voir ma protagoniste Sela sur scène ce qui n’avait pas été possible en raison des circonstances l’année dernière.

TO: Le plus grand moment a été de travailler dans un collectif de films de femmes. Travailler avec les différentes femmes réalisatrices a été une expérience très enrichissante.

WP: Je voulais participer au projet Les Nouvelles Èves pour deux raisons. D’une part, pour la dimension politique du projet, qui vise à mettre en lumière les injustices structurelles auxquelles les femmes sont confrontées. D’autre part, je voulais aussi travailler en collectif avec des réalisatrices qui m’inspirent et dont j’admire le travail. En outre, j’ai trouvé formidable d’apprendre à connaître Valeria et de me plonger dans son univers.

Quel a été le plus grand défi?

AT: Six réalisatrices avec leur propre signature, chacune filmant sa propre protagoniste, puis tisser ces six fils différents au montage: une ample tâche.

JH: Nous sommes des réalisatrices et des personnes très différentes; comment se mettre d’accord sur un seul fil conducteur, une seule approche? Nous devions constamment nous retrouver et discuter à nouveau. J’ai trouvé extrêmement excitant et aussi gratifiant de constater que les discussions entre les réalisatrices portaient toujours sur le film et non sur soi.

WP: Le plus grand défi a été de trouver ma protagoniste. Cela a pris beaucoup de temps et j’ai dû me rendre plusieurs fois au Tessin. Je voulais trouver une femme qui doit encore travailler après avoir pris sa retraite parce que sa pension n’est pas suffisante pour lui permettre de survivre. La pauvreté des personnes âgées est un tabou au Tessin. Les gens n’en parlent pas. Ils sont trop fiers! J’ai essayé de nombreuses façons. Heureusement, j’ai fini par trouver Valeria grâce au bouche-à-oreille.

Comment avez-vous choisi vos protagonistes?

AT: J’ai rencontré Naima lors de la grève nationale des femmes à Bâle et j’ai immédiatement pensé qu’elle serait une excellente protagoniste pour notre projet. Elle était à un stade où elle voulait s’établir professionnellement et elle savait pour quoi elle se battait. De plus, l’alchimie entre nous deux était bonne, de sorte qu’elle a eu une grande confiance dans l’équipe du film et a pu s’ouvrir.

CB: Ma tâche était de trouver une femme qui a une carrière professionnelle et est mère de jeunes enfants. L’idée était de montrer la tension psychologique. Un de mes amis m’a parlé de Sophie, et la rencontre s’est faite en un clin d’œil.

JH: Je me suis intéressée à la question du rôle des femmes de manière littérale. Dans mes recherches, j’ai constaté que la musique classique donne une image traditionnelle et figée de la femme. J’ai trouvé en Sela Bieri une chanteuse qui travaille sur de tels textes et productions presque quotidiennement mais qui, dans sa vie privée, a et vit une vie de femme très indépendante. Avec elle, j’ai ressenti l’envie de sortir de ces modèles rigides, presque physiquement.

WP: Lorsque j’ai rencontré Valeria, j’ai été très touchée par sa situation. Elle était déjà à la retraite mais travaillait encore. Elle ne voulait pas s’arrêter car sa pension aurait été trop faible pour survivre. Valeria a travaillé pendant
20 ans en tant que soignante privée pour une famille et a même vécu avec eux. Ce jour-là, à Lugano, elle était très drôle, honnête et n’avait aucune inhibition à parler d’elle. J’ai su immédiatement que l’on pouvait faire quelque chose de grand avec elle.

Quel rôle les protagonistes ont-ils dans le film?

AT: Nous montrons des femmes de différents âges et de différentes régions de Suisse: des jeunes filles, des retraitées… Il était très important pour nous que les protagonistes aient des vies très différentes, mais puissent construire une sorte de «dialogue» entre elles à travers un thème. Ainsi, elles peuvent se différencier, mais aussi se renforcer mutuellement. Ce qui les unit toutes, c’est qu’elles s’occupent très activement de la question de l’égalité dans leur vie.

AG: Nos protagonistes pourraient être nos amies, nos voisines ou des membres de notre famille. Chacune d’entre elles est, à sa manière, une héroïne du quotidien, qui fait au mieux face aux difficultés de sa vie. Au-delà de leur propre sort, elles soulèvent des questions où les inégalités entre les sexes existent encore dans notre pays, comme la difficulté de concilier vie professionnelle et vie familiale ou la précarité des retraites.

TO: Comme le dit le sous-titre: ce sont des héroïnes de la vie quotidienne. Des femmes qui vaquent à leurs occupations et nous laissent pénétrer dans leur univers. Ces mondes mettent en évidence, parfois de manière très subtile, la vision patriarcale si forte en Suisse, qui se sent malheureusement encore de manière rigide et non égalitaire. Les rôles joués par nos protagonistes doivent sensibiliser le public aux injustices qui existent encore dans notre société.

WP: Chaque protagoniste est une Nouvelle ève. Pour moi, une nouvelle ève est une femme qui a réussi à se détacher du modèle féminin imposé par notre société qui dicte aux femmes comment elles doivent se comporter. C’est une femme qui a réussi à renouer avec ce qui la rend humaine. Et ainsi renouer avec ses désirs.

Comment avez-vous procédé au choix des images?

AT: Chaque réalisatrice a d’abord visionné ses propres images avec Anja Bombelli, la monteuse, et a fait une présélection. Nous avons ensuite examiné et discuté toutes ensemble cette présélection en réunion. Ensuite, l’équipe de la direction artistique, Camille Budin et moi, nous sommes assis avec Anja et nous avons visionné encore et encore le matériel collecté, en le tissant en même temps.

JH: Nous avons tourné des scènes relativement claires et reconnaissables. Une partie traite des particularités de ma protagoniste et une autre partie est destinée à établir des liens avec les autres personnages. Petit à petit, j’ai pu voir les images des autres réalisatrices et, en cours du montage, tourner les parties qui étaient encore nécessaires.

Si vous deviez choisir une scène particulièrement importante pour vous, ce serait laquelle?

AT: La scène qui est particulièrement importante pour moi est celle dans laquelle Naima tient dans ses mains un contrat enfin obtenu et pleure de joie.

CB: La scène dans laquelle Sophie déclare hors-champ près du lac qu’il est temps d’arrêter de dominer la nature, les femmes, les enfants. C’est très important pour moi car c’est une source d’inspiration pour poursuivre ses rêves, même s’ils semblent impossibles.

JH: Personnellement, je suis surtout touchée par la scène où Cosima reçoit son appareil dentaire. Pour moi, il symbolise ce qui lui arrive, à quel point elle est contrainte d’entrer dans le moule. C’est quelque chose que les protagonistes adultes du film ont déjà traversé et dont nous documentons les effets.

TO: Pour moi, une scène choc est apparue au montage. Un soir dans le tram, Sophie est approchée par deux de ces étudiants pour savoir s’ils peuvent écrire avec elle un travail sur le thème «Sexualité et durabilité». Sophie trouve l’aspect «domination sur les femmes» passionnant et explique que les femmes en particulier ont souffert de la colonisation parce que les «hommes blancs» ne parlaient qu’aux hommes de leur tribu; une attitude qu’elles ne connaissaient pas auparavant. Les explications de Sophie sont suivies d’une scène où l’on voit la jeune protagoniste, Cosima, 8 ans, qui invente une pièce de théâtre avec ses frères et sœurs: il y a la planète des femmes indiennes et la planète des cowboys. Les femmes demandent de l’aide. Les cow-boys ne veulent pas aider parce qu’ils ne veulent pas avoir affaire aux Indiennes: «Tu es une femme tu ne parles pas! Vous êtes indigne.» Après habilement, je me demande ce que l’humanité a appris depuis la colonisation. Les enfants d’aujourd’hui ont intériorisé encore des comportements stéréotypés et ceux-ci sont visibles dans leurs jeux infantiles.

WP: Je garde encore en mémoire une matinée passée là où Valeria a travaillé pendant vingt ans. C’était très fort pour moi de la voir à l’œuvre. Elle faisait tout: le ménage, la cuisine, les soins, les réceptions. Cette femme énergique, avec son tablier bleu électrique, s’activant dans cette imposante maison a créé un fort contraste en moi. Je pense que la scène du budget est drôle et significative. L’amitié entre Monica et Valeria me touche. Le pouvoir des sœurs!

Qui voulez-vous toucher avec ce film?

AT: Nous voulons toucher des personnes qui peuvent s’identifier à nos femmes et se sentir inspirées pour s’attaquer à ces problèmes encore importants avec «légèreté», afin de réaliser notre rêve d’égalité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines.

CB: Certainement les hommes!

JH: Il est destiné à plaire à un large public et non à une niche. Ce n’est pas un film radical, accusateur, mais une observation subtile, amoureuse, solidaire, admirative et appréciative.

TO: Le film vise à souligner subtilement les injustices et le patriarcat suisse dominant. En même temps, il vise à encourager toutes sortes de femmes à devenir des héroïnes dans la vie de tous les jours.

WP: Chaque femme, chaque héroïne du quotidien, qui se reconnaît dans nos èves.

Interview avec les productrices

Quelle est l’origine du film?

Liliane Ott et Judith Lichtneckert: Lorsque nous avons appris à l’automne 2018 qu’une nouvelle grève féministe à l’échelle de la Suisse allait avoir lieu en juin 2019, il était clair pour nous que nous voulions en faire un film. Lorsque nous nous sommes rendues à une réunion de coordination nationale à Zurich en janvier 2019, il est apparu clairement que l’éventail des questions soulevées par cette grève était plus diversifié qu’en 1991. Aux questions qui préoccupent le mouvement féministe depuis des décennies, telles que l’inégalité salariale, l’autodétermination corporelle et le travail de soins sous-payé voire non-rémunéré, ce sont ajoutées les préoccupations de la communauté LGBTQ+ et les questions autour de la discrimination intersectionnelle. Ce large éventail de préoccupations a inspiré la décision de réaliser le film dans une structure collective et de travailler avec différentes réalisatrices afin de rendre justice à la diversité des femmes et des problèmes en Suisse.

Quel a été le plus grand défi pour vous?

Travailler au sein d’un collectif est bien sûr un défi, car en plus de traiter les thèmes et de prendre des décisions créatives concernant le film, vous devez aussi constamment faire face au processus de travail lui-même. Comment trouver un consensus dans un groupe de femmes ayant des approches très différentes? Comment prenons-nous les décisions? Ce processus a bien sûr été compliqué par la pandémie de Covid-19. La première partie du tournage a dû être arrêtée en mars 2020; après une journée seulement de tournage. Cela nous a poussées à repenser notre concept de tournage et de visionnement. C’était formidable de voir comment nous avons trouvé ensemble les moyens de maintenir cette communication si importante et complexe malgré le contexte, la distanciation sociale et la remise en question constante du concept de travail.

Si vous deviez choisir une scène particulièrement importante pour vous, quelle serait-elle?

Pour nous, la scène dans laquelle la protagoniste Delphine parle de sa relation avec la couleur rose et aborde l’attitude désobligeante de notre société envers la féminité est touchante.

Qui voulez-vous atteindre avec le film?

Nous pensons que de nombreuses femmes peuvent se reconnaître dans nos «héroïnes du quotidien». Bien entendu, nous espérons toucher à la fois un public déjà intéressé par les questions féministes, mais aussi des personnes qui ne se considèrent pas forcément comme des «féministes». Le film suit les protagonistes dans leur vie quotidienne de manière emphatique et il était important pour nous que les gens soient au premier plan. Il était également important que les questions centrales du film ne soient pas pointées du doigt mais montrées de manière subtile, avec humour et optimisme.

Que voulez-vous raconter avec cette histoire?

Les femmes sont toujours confrontées aux inégalités entre les sexes dans leur vie quotidienne, de manière subtile ou évidente. De nombreux moments de la vie quotidienne sont révélateurs d’inégalités socialement ancrées dans la culture ou les mentalités. Il est donc important de le signaler et d’en faire un sujet de discussion pour qu’à long terme quelque chose puisse changer dans l’esprit et le comportement des gens.

Quel a été le moment fort pour vous?

Le premier visionnage des images du film rassemblées par le collectif et la réunion conceptuelle qui a suivi avec les réalisatrices. La première projection test a également été extrêmement excitante ainsi que les différents retours sur les protagonistes. Toutes les protagonistes ont instantanément trouvé leur «fans».

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