D’où viens-tu, « Chalandes » ?

C’est un bien joli nom « Chalandes », quand bien même, enfant, ce mot que j’avais lu me semblait vieillot et venu d’on ne sait où.

↖ Tsalande pour tous les enfants de la terre ! Dessin Michel Freymond.

Chalandes ! N’est-ce pas bien plus joli de dire « Noël » ? 

Dans « Noël », il y a le mot « no », (nous en patois) et puis « el », comme les ailes des anges ! (c’est là une pensée d’enfant). 

Cinquante ans après, je me suis à nouveau interrogé sur ce que cela signifiait, puisque tous les patoisants en parlent comme d’un vieux camarade. 

Chalandes ! Est-ce un nom de fête, de calendrier, ou un des noms de ce grand-père à la magnifique barbe blanche et au manteau rouge, auquel tous les enfants pensent en faisant leur prière pour recevoir un présent sous le sapin ? 

Cela m’avait tellement intrigué que j’avais téléphoné à Monsieur Maurice Bossard, notre patoisant érudit de Chailly. Aimable et bon papa, il m’avait répondu ceci : 

Dans des temps très anciens, au temps de Mathusalem, on peut dire, et même avant que le petit Jésus soit né, les Romains appelaient les tout premiers jours de janvier « calendes »… C’est à ce moment-là que le soleil se réchauffe et qu’il retrouve un peu d’énergie pour rallonger les jours. Les Romains, qui étaient acharnés au travail, appréciaient tout autant les fêtes. Les jours qui grandissent, ce n’est pas rien ! Ils fêtaient la fin du travail, les cortèges et les visites à la cave pour trinquer, pour autant qu’il reste encore « du clair » (du vin) dans le tonneau. 

Une telle coutume, vous le pensez bien, avait tout ce qu’il faut pour durer longtemps, aussi bien chez les Helvètes, les Burgondes que les Mérovingiens et les Valdotains ! 

Alors, les siècles ont passé, mais pas le nom. « Calandes », certainement, a « déraillé », s’est popularisé, déformé, mais est resté fidèle au premier tournant de l’année, quand le soleil repique. 

Tant mieux ! Pour nos anciens, gens du peuple de ces anciens temps de guerres et de famines, la vie n’était pas toujours une petite promenade tranquille… 

Et pour nous, caché derrière le nom de « Chalandes », n’y a-t-il pas notre Nouvel-An, ses banquets, ses bouchons et ses réjouissances ? 

L’histoire du monde latin, puis romain, a fait que les Vaudois ont hérité, par le français, du nom de « chalandes » (en patois « Tsalande ») pour la fête de Noël. 

En 2015, presque plus personne ne dit « chalandes » pour Noël, mais je crois qu’il se dit encore à Genève . C’est caduc, nous l’avons oublié, à l’exception d’une poignée de patoisants « à la traîne » qui s’entêtent à chanter encore : « Tsalande galé… », parce que pour eux ce nom résonne encore comme une douce mélodie, qui vient de très loin, des premiers âges. 

Tout de même, c’es un bien joli nom, « Chalandes » ! 

Au cœur de l’hiver, la fête est douce, le feu réchauffe, le nom est plaisant. 

JOYEUX CHALANDES !
JOYEUX NOËL !
DZOYÂO TSALANDE !

Michel Freymond de la Coudre

↖ Tsalande à l’église des Charbonnières.
Illustration Pierre-Abraham Rochat

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