« Sortez-les, sortez-les tous ! »

Ce fut le sort de la trentaine d’auditeurs, citoyens curieux, badauds de passage et gueux du fief du Pont et des Bioux, bref de toute la Seigneurie de L’Abbaye rassemblée en ce mardi 2 du mois des vendanges de l’an de grâce 2025.

Après les proclamations du héraut de la commune, porte-parole de la Sainte-Commission et rapporteur auprès de nos quarante sages (vingt-huit présents), le résumé fut implacable : tout le monde doit passer à la caisse, rien ne doit changer avant la fusion.

Car, voyez-vous, nous avons déjà payé pour les parkings devant nos châteaux, nous payons pour la neige devant nos maisons, nous avons même payé notre goudron… donc, logique irrécusable : parquer = payer. Payez, payez tous… !

Et donc, à L’Abbaye, les habitants continueront à payer pour aller se baigner, pour aller se promener, pour aller se coiffer. La vie ordinaire, taxée comme un privilège seigneurial.

Mais permettez une question ? – qui paye le déblaiement des routes communales et cantonales, qui paye le goudronnage qui mène jusqu’aux saintes demeures de nos conseillers ? Ô prorata par jamais calculés, si vous cherchez l’équité ! Sachez que le peuple a largement payé pour l’accès à vos belles maisons, et aussi pour le goudron des parkings du Moderne et de la Rade du Pont.

La Sainte-Commission, bénie par les seigneurs, nous sert ses chiffres : 36’000 francs pour changer les panneaux ! Quand la vérité n’atteindrait pas même quelque mille pour 2 heures de liberté et avoisinerait les quelques francs pour donner la gratuité à l’habitant. 

Lorsque des conseillers, dans un souffle d’honnêteté, osèrent revenir sur l’antique décret, ils furent aussitôt rappelés à leur loyauté. Loyauté au dogme, loyauté au groupe, loyauté au silence. Quiconque s’écarte de la ligne est marqué d’infamie, traité de « traître », comme jadis le vassal félon.

Alors, dans la salle, une partie du peuple gronda, se leva, une autre manifesta par son silence. Mais tous, même ceux qui n’avaient pas applaudi, furent jetés dehors, balayés par le cri de « Sortez-les, sortez-les tous ! », qui résonna comme un « Pendez-les, pendez-les tous ! ».

Et pourtant, dans ce théâtre d’ombres et de servitudes, six mains ont eu l’audace de lever le blanc. Merci Ô six courageux, que vos voix soient saluées, car dans la nuit, votre blanc fut lumière.

Ainsi soit-il, sortez-les, sortez-les tous !

Sire Lehmann, du Fief du Pont, de la Seigneurie de L’Abbaye

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