Comme Zola en 1898, je me sens aujourd’hui contraint de prendre publiquement la parole. Non par orgueil. Mais par devoir. Un devoir éthique, professionnel et citoyen.
Depuis plusieurs années, avec mes équipes au Pôle Santé Vallée de Joux, nous avons construit un modèle médical et institutionnel respectueux des réalités de terrain : un modèle de soins intégrés, de proximité, d’engagement collectif, adapté aux contraintes géographiques et humaines d’une région de montagne. Nous avons redressé une situation financière difficile, sans licencier, sans augmenter la charge publique, mais en pariant sur la collaboration, l’innovation et la responsabilité.
Et pourtant, aujourd’hui, nous sommes abandonnés.
J’accuse une politique budgétaire froide et désincarnée, qui sacrifie les régions périphériques comme la Vallée de Joux au nom d’une logique comptable que rien ne justifie sur le plan humain, médical ou économique.
J’accuse l’incohérence d’un État qui proclame vouloir garantir un accès équitable aux soins, tout en réduisant les moyens là où ils sont les plus essentiels.
J’accuse le silence face aux signaux d’alerte envoyés depuis des mois par les professionnels de santé, les citoyens, les autorités locales.
J’accuse la fracture croissante entre le discours et les actes, entre les promesses de solidarité et la réalité d’une médecine de plus en plus centralisée, inégalitaire, inhumaine.
Notre région n’est pas un désert. Elle est peuplée, vivante, digne. Et elle mérite mieux qu’une logique d’abandon.
Je ne parle pas ici au nom d’un établissement, ni d’un poste. Je parle au nom de celles et ceux qui vivent ici, qui travaillent ici, qui soignent ici. De ceux qui, un jour, auront besoin d’un accès rapide à un médecin, un service d’urgences, un scanner, un lit d’hôpital.
Je parle aussi au nom d’un principe fondamental que tout État digne de ce nom devrait protéger :
le droit à la santé pour toutes et tous, quel que soit son lieu de résidence.
Il est encore temps de corriger cette trajectoire. Mais pour cela, il faut écouter. Entendre. Et surtout, agir.
La vérité est en marche, et rien ne l’arrêtera.
Dr Naiken Surennaidoo
Directeur Médical
Citoyen de la Vallée de Joux
Pôle Santé Vallée de Joux