Avons-nous le droit de prendre des vacances ?
M’a demandé un copain entrepreneur à la sortie d’un week-end de Pâques bien rempli. Contrairement à moi, il n’était pas parti en Toscane pendant une semaine. Ce que j’aime avec l’Italie, c’est qu’il y a toujours une forme de dépaysement. Peu importe la météo – parce que oui, il faisait aussi moche dans le Chianti pendant les dernières vacances – on a l’impression d’être ailleurs. La langue, les gens et surtout, les paysages. Mamma mia ! Qu’est-ce que c’était beau tous ces châteaux, surtout après deux bouteilles de Sangiovese. On sort du rêve uniquement au moment de « pagare » car les prix, eux, n’ont pas changé d’accent au Grand-Saint-Bernard. De quoi inspirer nos vignerons vaudois car pour 40 euros par personne, on a goûté seulement les quatre premiers vins de la cave, juste accompagnés de pain et l’huile d’olive. Attention, produite aussi sur le domaine. Ils sont quand même forts ces Italiens !
Revenons à notre chronique car s’il y a bien un sujet sensible chez les entrepreneur·es, et les personnes qui les accompagnent, c’est les vacances. Soyons honnêtes, ça stresse tout le monde. Peut-être parce qu’on n’a pas assez lu de bouquins sur le management et comment mieux déléguer. Parce que justement, on bosse seul·e et il n’y a personne à qui déléguer, ou encore, parce qu’on a l’impression que nous sommes l’unique être humain, suffisamment compétent, pour répondre à des e-mails à 23h dans le lit d’une chambre d’hôtel. « Mon amour, finis ta douche tranquille, je regarde vite si j’ai reçu un message important ». « Mais ça te change quoi que je réponde à ma collègue au lieu de m’endormir sur la plage ? ». Parce que les vacances se passent à deux, sinon on n’en prend pas. Sauf les plus costauds qui partent marcher pendant une semaine en montagne, sans réseau, sans binche et sans regret. Souvent, l’entrepreneuriat, c’est un binôme, qu’on le veuille ou non. Car derrière chaque grand·e entrepreneur·e, il y a une femme ou un homme. Une personne très importante qui soutient, qui challenge et qui tolère, parfois.
Pour les prochaines vacances, écoutons plus cette petite voix sur notre épaule, ce conseiller ou cette conseillère qui nous invite à tout lâcher, l’espace de quelques jours. Derrière tout ça, il y a sans doute une volonté de contrôle, de maîtrise absolue, une expression publique de ne jamais décrocher pour prouver qu’on est dans le coup, en permanence. Mais prouver à qui ? À nos collaborateurs et collaboratrices qui prennent également des vacances ? À nos pairs qui eux aussi partent au bord de la mer ? On a l’impression que c’est impossible d’être performant·e et de décrocher complètement. C’est faux et je le pense sincèrement. Pas parce que je prétends avoir plus de succès en affaires ou détenir la formule magique, mais parce que j’ai recommencé à lire. À lire des romans, des interviews, des reportages et d’autres trucs plus profonds sur la vie et les gens. Comme une série Netflix, je m’y plonge si profondément que cela devient un besoin. Pourtant je l’avoue, en dehors des vacances, j’ai plus de peine. Mais même si c’est irrégulier, qu’est-ce que c’est bon et ça se ressent. Avec l’autre, avec les enfants, à chaque instant.
La seule différence avec la lecture et l’écran, c’est l’imaginaire où nous sommes transportés. Des connexions nouvelles se font dans notre cerveau, des étincelles qu’on avait oubliées. Alors oui, nous avons le droit de prendre des vacances et nos émotions aussi. L’Ascension tombe à pic !
