« Musique françoise à la Cour » : un voyage élégant et raffiné au Temple du Brassus

Le Temple du Brassus a accueilli, dimanche 31 août à 18h00, un concert d’une rare élégance, consacré à la musique baroque française des XVIIe et XVIIIe siècles. 

L’Ensemble Da Camera Freiburg a interprété des œuvres de Jean-Philippe Rameau, Louis-Antoine Dornel, Joseph Bodin de Boismortier, Jean-Marie Leclair, André Campra, et Jean-Baptiste Lully dans une ambiance intimiste et chaleureuse. Le public très attentif ne s’y est pas trompé : il a réservé aux interprètes un accueil vibrant. Les applaudissements nourris et les sourires échangés à la fin du concert témoignaient d’une véritable émotion partagée. 

Une acoustique propice à l’écoute

L’acoustique du Temple du Brassus, avec ses murs en pierre et son plafond voûté, offre une réverbération naturelle qui magnifie les timbres des instruments anciens. Elle favorise la clarté du contrepoint et enveloppe les auditeurs dans une atmosphère contemplative, idéale pour ce répertoire.

Les musiciennes ont joué sur instruments d’époque, dont les cordes en boyau, plus sensibles aux variations climatiques, demandent un accordage soigneux et attentif. Cela a exigé donc un peu de patience tant de la part des interprètes que du public. Mais ce rituel sonore est essentiel : il permet de retrouver la douceur, la sensualité et la justesse expressive propres à la musique française du Grand Siècle.

Des interprétations expressives aux choix stylistiques affirmés

La polyvalence des musiciennes, capables de changer d’instrument entre les partitions, voire au sein d’une même œuvre, m’a particulièrement impressionnée. Par exemple, passer avec aisance de la guitare baroque au théorbe, adaptant le jeu et le toucher à la tessiture et au caractère de chaque pièce est un geste loin d’être anecdotique ! Il témoigne d’une maîtrise technique rare et d’une compréhension profonde du style.

La soprano Pauline Tardy a livré une prestation engagée et sensible. Sa voix lumineuse et sa présence scénique ont apporté une réelle intensité aux textes poétiques. On notera cependant un usage généreux du vibrato, qui, bien qu’expressif, a parfois légèrement atténué la clarté du texte dans les passages les plus ornés. Ce choix vocal, plus proche d’une esthétique romantique, s’éloigne de la tradition française baroque qui privilégie une ligne vocale plus droite et une diction ciselée. Cela dit, son engagement musical et sa sensibilité ont largement contribué à la richesse émotionnelle du concert.

À souligner encore  

Le charme pastoral du Printems, Cantate n° 1 de Boismortier. Une partition tirée du cycle Les Quatre Saisons, qui a offert un moment de grâce. Les airs galants et les ritournelles pastorales ont évoqué le renouveau de la nature avec légèreté et tendresse. Une musique de salon, faite pour plaire et divertir, servie avec élégance.

Dans Arion, Campra déploie une écriture raffinée où la soprano et la flûte traversière dialoguent avec une complicité saisissante. La flûte, loin d’être un simple accompagnement, devient un véritable partenaire expressif, incarnant les éléments naturels et les émotions du héros. Son timbre chaud et vibrant, typique des flûtes baroques en bois, apporte une couleur sensuelle et enveloppante à l’ensemble. Elle répond à la voix avec des arabesques délicates, souligne les inflexions du texte, et parfois même semble murmurer ou consoler. Dans les airs comme Agréable enchanteresse ou L’onde et les zéphyrs, elle peint musicalement le souffle du vent, le frémissement de l’eau, et les élans du cœur. Ce dialogue lyrique entre voix et flûte incarne à merveille l’esthétique française baroque : élégante, expressive, et profondément humaine.

En bis, et pour remercier le public conquis, l’Ensemble Da Camera Freiburg nous a mis en tête pour le reste de la soirée et avec bonheur la célèbre pièce baroque de Jean-Philippe Rameau « Les Sauvages » !

Conclusion : Ce concert a su faire revivre l’esprit de la musique baroque française avec panache. Malgré quelques réserves vocales, l’ensemble a offert une interprétation historiquement informée, sensible et généreuse. Un moment suspendu, entre rigueur et poésie, dans l’écrin acoustique du Temple du Brassus.

Pour les Rencontres Musicales de la Vallée de Joux : Christine Magro
© photos: Fabien Honsberger

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